vendredi 22 février 2013

Foxygen (3,5/5) : Sing this all together



Habituellement, on appelle "revival" la résurgence voir la résurrection d'une mode, d'un mouvement artistique ou d'une musique symbolique. Largement répandue à notre époque, cette idée se nourrit pourtant de contradictions et multiplie les contradicteurs : comment faire du neuf avec du vieux ? Comment éviter la pâle copie et les références immenses, illustres, incontournables ? Les White Stripes et dans une moindre mesure Oasis avaient réussi à faire taire les critiques. Mais la mouvance n'est plus au retour d'un rock pur. Au contraire, celle-ci penche vers le psychédélisme. L'année dernière, Tame Impala imposait son style rétro en y incorporant quelques éléments futuristes. A Foxygen de jouer maintenant. 

Deuxième album en deux ans pour ces californiens qui puisent clairement leurs inspirations chez les Rolling Stones période Satanic Majesties Request - le plus psyché disque des anglais -, surtout dans les voix semblables à un Mick Jagger des plus survoltés. Un peu rebutant aux premiers abords, We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace & Magic délivre pourtant une dizaine de surprises savoureuses tout en possédant conjointement la folie d'un MGMT version Congratulations et la grâce enchanteresse des mélodies de la côte ouest américaine. On passe sans peine de l'électricité la plus possédante (l'excellent On Blue Mountain) à la comptine pop la plus exquise (la magnifique San Francisco et son refrain entêtant). Alors oui, les têtes pensantes Jonathan Rado et Sam France font les fonds de tiroirs (No Destruction, Oh No 2 aux relents Beatles) mais ils procurent à l'auditeur un plaisir mélancolique, joyeux et agréable. Aucune imagerie révolutionnaire, plutôt une grande capacité d'écriture et un savoir-faire totalement manifeste. En piochant dans l'univers sixties et british, tout en accordant une esthétique américaine à des pistes remarquablement produites entre classe et crasse, le duo Foxygen réussit un tour de force impressionnant. Le revival retrouve ses lettres de noblesse. N'en déplaise aux sceptiques. 

L'opus s'inscrit finalement comme l'un des moments les plus intéressants de ce début d'année. Joliment maîtrisé, We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace & Magic livre de façon intelligente de nombreux titres fabuleux teintées d'étonnement. Entre passé et présent, il devient doublement efficace. Et forcément lumineux.

jeudi 21 février 2013

Darwin Deez (1/5) : Une oeuvre (encore) ratée



Apparu en 2010, avec un album éponyme - très - fortement inspiré par les Strokes et les escapades solos du talentueux guitariste Albert Hammond Jr, le compositeur Darwin Deez proposait alors une oeuvre sans originalité, seulement gentillette et ne faisant que reprendre gauchement les standards indie-rock du début des années 2000. Malgré une qualité somme toute relative, l'opus a connu un intéressant succès d'estime permettant à son auteur d'obtenir une certaine visibilité à travers le monde. 

Deuxième essai trois ans plus tard et nouvel échec avec un Songs For Imaginative People monstrueusement débectant et franchement sans intérêt. L'ensemble est d'une lourdeur assez impensable et se double d'une esthétique assommante aux structures éclatées. La production s'écoute comme un véritable supplice tant les chansons paraissent, au choix, mollassonnes ou véritablement dégoulinantes de sons électroniques mal maîtrisés et fortement désagréables. Le new-yorkais oublie complètement ses élans pop certes copiés mais au moins sautillants et effectue un affreux virage à 180°. Maintenant, les morceaux s'enchaînent de façon grasse et grossière, sans autre lien qu'une médiocrité manifeste. Même la voix nonchalante, presque "casablanquesque" de son précédant travail semble désormais éclipsée et paraît remplacée par des intonations futiles, hésitantes, caverneuses. Aucun moment ne relève le niveau. Pire, Darwin Deez creuse sa propre tombe en écrivant quelques horreurs comme Free (The Editorial Me), HUMAN, Good To Loose ou Moonlit. Les craintes sont désormais avérées : le chanteur n'est qu'un mirage dans un paysage musical foisonnant. 

L'auditeur peut bien faire tous les efforts d'imagination consentis, il se retrouve inévitablement devant un constat plus qu'implacable : le disque n'est qu'une succession de pistes indigestes, sans force, sans puissance et sans plaisir. Songs For Imaginative People est à ranger dès à présent aux oubliettes. Et s'inscrit déjà comme l'un des plus beaux ratés de l'année.

dimanche 17 février 2013

Numéro 1 ITunes Indochine (3,5/5) : Toujours au sommet



Amour de jeunesse, passion adolescente, Indochine dans l'inconscient populaire, c'est un peu ce groupe qu'on a aimé, qu'on a adoré détester et qu'on idolâtre désormais. La formation légendaire est revenue de nulle part avec un Paradize assez prodigieux pour retomber dans des travers miséreux avec un République des Meteors complètement désastreux. Concept raté autour de la guerre accompagné de paroles caricaturales, sans intérêt, frôlant le ridicule, l'album semblait annoncer une fin imminente. Et si Sirkis et sa bande avait déjà tout dit, tout fait, tout vu ? Alors, lors de la sortie de Black City Parade, l'excitation a laissé place à l'appréhension. Un douzième opus ayant pour thème la ville, les grands espaces, l'urbain qui s'écoute heureusement comme un redoutable retour en grâce.

Musicalement, le disque est simplement excellent, parfaitement agencé, savamment orchestré et apporte une fraîcheur non négligeable dans une carrière foisonnante. Le son demeure plus massif, étayé par une production impeccable mettant en relief chaque instrument et chaque nuance. Au cours de ces quatorze titres, on pense souvent à Un Jour Dans Notre Vie mais dans une version beaucoup plus moderne, actuelle et électronique. Adieu le piano clair issu de Dancetaria, ici les machines apportent des gimmicks envolées et des nappes synthétiques subtiles, intrigantes et justement adossées à l'esthétique proposée. Berlin et la post new-wave semblent omniprésentes tant au niveau d'une rythmique froide mais lourde qu'au niveau de guitares rondes, entraînantes et moins crasseuses qu'à l'époque Alice & June. Black City Parade sonne comme une formidable oeuvre possédant de nouveau une imagination débordante : enfin le duo Sirkis/Olivier Gérard redevient intéressant bercé par des élans pop et des aspérités indé. Des chansons comme College Boy, Wuppertal, Nous Demain, Belfast ou le sublime Traffic Girl (en collaboration avec Lescop) paraissent taillées pour la scène, domaine où Indochine a toujours excellé. Et elles se suivent comme une succession de moments rares que l'on pensait oublié.

En ce qui concerne les textes, même si une amélioration est manifestement notable, Nicola Sirkis peine néanmoins à retrouver ses talents de parolier. Mieux construits, ils n'évitent pas toujours l'écueil de la répétition et de la facilité. On retrouve péniblement l'accumulation de rimes en "a", la multiplication de références sexuelles un peu lourdingues vues et revues et une construction syntaxique des plus alambiquée. Seulement, la voix si charismatique du leader historique ne déçoit pas : plus grave qu'à l'accoutumée et moins perdue dans des aiguës compliquées, elle convainc pleinement et retrouve des couleurs.

Finalement, après quelques sueurs froides, le vaisseau indochinois (re)tient son rang avec brio et justifie pleinement son statut de fer de lance du rock français. Au point même d'espérer de nombreux concerts parisiens.

Film de la semaine : Lincoln (4/5) !



Steven Spielberg, accessoirement roi d'Hollywood, présente un nouveau film a priori éloigné de ce qu'il est habitué à faire. Après les plutôt décevants Tintin et War Horse, il s'attèle à un sujet historique, plus sérieux et plus ambitieux : un biopic sur Lincoln, qui se concentre sur le vote du treizième amendement aux Etas-Unis (l'abolition de l'esclavage) et la fin de la guerre de Secession. A croire que la politique à le vent en poupe ces derniers temps dans le cinéma américain (Django Unchained et Zero Dark Thirty).

On a beau l'attendre au tournant, Spielberg sait se montrer efficace et surtout il ne tombe pas dans certaines facilités (le discours de Gettysburg ou la mort de Lincoln assez justement éludée). Le film commence par un combat dans la boue : les soldats ont de l'eau jusqu'aux genoux, et cela annonce d'emblée le projet de faire un film qui ne s'inscrit pas dans un classicisme hollywoodien de l'éloge. La politique, tout comme ces combats, n'est pas léchée et toutes les combines semblent bonnes pour arriver à ses fins. Lincoln est assurément un des présidents américains les plus appréciés. Alors qu'il est habituellement représenté comme un homme à la stature imposante, baigné dans une aura puissante, Daniel Day Lewis (incontestablement un de ses grands rôles) lui donne une voix fluette, fragile et en fait un président acculé par le poids du temps qui n'hésite pourtant pas à se mettre à genoux pour remettre du bois dans la cheminée.

Un des grands points forts dans la représentation de la stature lincolnienne est le mélange de l'Histoire avec les petites histoires. Si Lincoln est l'acteur principal de la grande Histoire en train de se dérouler, il est aussi le conteur des petites histoires, ainsi que de blagues (qui l'eut cru ?) apparemment inoffensives, qui peuvent parfois valoir comme métaphores. Et c'est ici que le personnage acquiert une certaine dimension qui le descend de son piédestal, chute qui est également due au désenchantement politique. Lincoln, si grand soit-il, est obligé de passer par des moyens viles et condamnables pour parvenir à ses fins, dévoilant ainsi le mensonge politique. 

En collaboration avec son directeur de la photographie, Spielberg nous en met plein la vue en ce qui concerne le travail des images, que ce soit sur le cadre et les lumières. En effet, dans la chambre de Lincoln, le président est sans cesse baigné d'un halo lumineux dès qu'il s'approche de la fenêtre : une lumière forte et diffuse à la fois qui permet de repenser à cette scène au début du film, lorsque le président raconte son rêve à sa femme en lui annonçant qu'il a le sentiment d'être sur un bateau (les Etats-Unis ?) naviguant sur la mer (l'Histoire ?) et qu'il voit au loin une lumière (le treizième amendement ?) vers laquelle il ne peut s'empêcher de se diriger. La faiblesse du film réside dans sa grande américanité : difficile de bien comprendre les enjeux en étant européen. Ainsi l'opposition entre républicains et démocrates n'est pas immédiatement assimilable par la comparaison française de « droite/gauche », même si l'on retrouve certains poins communs. Certains personnages semblent caricaturaux et certains traits paraissent forcés (voire artificiels) ce qui n'empêche pas au film de se tenir. Seulement on constate une des limites d'un cinéma hollywoodien parfois incapable de complexifié de nombreux aspects. 

En définitive, il s'agit tout simplement d'un (très) bon Spielberg qui relance le réalisateur dans une veine où il a encore des choses à dire, à défaut d'avoir des choses à prouver. Le thème de la famille, si cher au réalisateur, passe au second plan, bien qu'il permette de mieux rendre l'émotion en évitant l'abondance de pathos.

samedi 16 février 2013

Notons la Télé (NTL) : The Voice (2/5)



C'est quasiment un phénomène de société. En seulement une saison, The Voice s'est imposé comme l'un des rendez-vous incontournables de l'année. Les deux premiers épisodes ont réunis 9,3 et 8,8 millions de téléspectateurs. Des chiffres exceptionnels, proches des 40% de part de marché qui offrent un souffle nouveau à TF1 en lui permettant, accessoirement, d'écraser la (faible) concurrence proposée par France Télévisions et M6. Pourtant le programme n'est qu'un simple télé-crochet dans lequel l'innovation et la créativité ne sautent pas directement aux yeux.

D'une part le choix du jury - et l'adhésion qu'il emporte - paraît curieux. Autour de Nikos Aliagas, excellent dans son rôle de maître de cérémonie, se trouve quatre chanteurs professionnels d'horizons et de styles différents : Jennifer, Florent Pagny, Garou et Louis Bertignac. Certes, ces vocalistes n'ont plus rien à prouver et il est toujours fort agréable de voir un concurrent être juger par un homme ou une femme connaissant les rouages du métier. Mais quelle mollesse dans les interventions ! Pas vraiment jury, pas vraiment coach, faussement amical, les conseils ou les - timides - attaques sentent littéralement le préparé, le mielleux et parfois même le condescendant. 

C'est d'ailleurs le reproche principal que l'on peut faire à l'émission : tout demeure calculé, orchestré. Rien n'est vraisemblable et toute la partie mettant en lumière le casting - ou le recrutement, c'est selon - ne se voit que comme un vaste écran de fumée. Le recours à l'enregistrement accentue ce point : la production sait qui elle souhaite recruter et chaque juré connait ses principales cibles. On perd logiquement ce sentiment tenace lors des directs où le choix du public reste souverain comme le prouve la victoire surprise de Stephan Rizon l'année dernière. 

Les candidats parlons-en tiens ! Le jury ne les voit peut-être pas mais nous on les entend. Et pas qu'un peu. C'est largement la fête à la puissance. Les gorges sont déployées et les décibels flottent dans un univers insupportable. On ne cherche décidément pas la plus belle voix mais la plus forte. Aucune nuance, aucune émotion, aucun charisme : ça crie, ça hurle et c'est généralement désagréable notamment lors des fameuses "Battle". A côté de La Nouvelle Star, le programme fait vraiment pâle figure. D'autant plus que les arrangements des morceaux frôlent très souvent le ridicule. 

Finalement, le succès de The Voice s'explique peut-être par les moyens impressionnants mis en œuvre par TF1. Les scénarios sont bien ficelés et il est difficile de se détacher d'un épisode. Pourtant, l'émission n'est pas la révolution annoncée. Trop de défauts gâchent le plaisir et les candidats ne sont véritablement pas à la hauteur de l'événement. Le présent le montre : les vainqueurs internationaux du télé-crochet peinent à se faire un nom. Le spectacle plutôt que le talent : The Voice et TF1 étaient fait pour se rencontrer.

Les dix meilleures chansons des Killers



Il y a presque un an, personne n'aurait misé un centime sur un retour en fanfare de ces américains venus de Las Vegas. Chaque membre voguait - plus ou moins bien - en solo et les rumeurs de séparation devenaient persistantes voir attendues. Même l'annonce déroutante d'un nouvel album intitulé Battle Born n'apportait pas un élan d'enthousiasme. En effet, plusieurs fans avaient été déçu par un Day & Age très en rupture et en expérimentations surprenantes. Et pourtant, ce quatrième disque studio s'impose comme une franche réussite. Un son massif, une voix gigantesque, une rythmique dévastatrice et une créativité manifeste permettent aux Killers de retrouver une place de choix dans le paysage musical mondial. Leur concert - presque complet - au Zénith de Paris, le 12 mars, sera la dernière étape de ce renouveau magnifique. On fait confiance à Brandon Flowers et à sa troupe pour proposer les meilleurs moments d'une carrière riche en tubes. Retour sur dix morceaux extrêmement marquants et fédérateurs :

10 - Flesh & Bones (Battle Born)
9 - Runaways (Battle Born)
8 - This River Is Wild (Sam's Town)
7 - Jenny Was A Friend Of Mine (Hot Fuss)
6 - When You Were Young (Sam's Town)
5 - Spacemen (Day & Age)
4 - Bling (Confessions Of A King) (Sam's Town)
3 - Mr Brightside (Hot Fuss)
2 - All These Things That I've Done (Hot Fuss)
1 - Read My Mind (Sam's Town)

Bonus : Tidal Wave (Day & Age Bonus Track)

Dernièrement, Flowers a annoncé la sortie prochaine d'un second album solo. Retour des tensions ? L'avenir nous le dira. Avant, le public profitera de ce concert du 12 mars qui devrait être impressionnant. THIS sera présent et vous fera part de ses impressions. A suivre donc !

vendredi 15 février 2013

Foals (3,5/5) : Le talent toujours présent



En seulement six ans, Foals s'est imposé comme une référence majeur dans le paysage musical. Avec tout d'abord un excellent premier album intitulé Antidotes qui faisait, à l'époque, figure de véritable ovni. Le style math-rock des compositions et la folie déployée en concert permettaient au groupe de se faire connaître et d'investir les plus grandes salles et les plus grands festivals européens. Avec leur second opus, Total Live Forever, la fibre créatrice gagnait en maturité et en profondeur tout en délivrant quelques moments de pure perfection. Entre accalmie et puissance, ce son venu d'Oxford détenait la force des formations les plus novatrices. 

Passé l'effet de surprise, les cinq membres sont désormais attendus au tournant. En France comme ailleurs. Généralement, le troisième album s'écoute comme une voie vers le futur et indique les prémices d'un changement. Dans cette optique, Holy Fire déçoit un peu. L'esthétique redondante, électronique et mécanique ne surprend plus vraiment. D'autant plus que pour masquer ces répétitions maladroites, les musiciens jouent sur des saturations assez malvenues. Le single Inhaler en est le parfait exemple : plus dur, plus massif, il perd en saveur et en impact. De pistes en pistes, Foals abuse de ce procédé (Everytime, Providence ...) si bien qu'aux première écoutes, la qualité des mélodies ne sautent pas directement aux yeux. Et pourtant, (presque) encore une fois, Yannis Philippakis et sa bande parviennent à nous convaincre. Notamment sur un enchaînement, beaucoup plus aérien, Out Of The Woods/Milk & Black Spiders où tout le talent manifeste du groupe explose littéralement. Grâce également à une rythmique toujours aussi décapante. Ce besoin d'attiser une attente décuplée face à plusieurs envolées hautement jouissives est décidément une marque de fabrique chez eux. Ils distillent ainsi, de manière sporadique, des petits instants à la fois subjuguants et profondément exceptionnels. 

Le désir de transformation est en gestation constante dans ce disque. En attendant une nouvelle révolution, Foals délivre aisément quelques titres côtoyant le génie mais aussi la facilité. A l'usure, Holy Fire se révèle être une oeuvre finalement intéressante et bien au-dessus de la moyenne. A la faveur d'une aura grandissante, les petits prodiges anglais bouclent un triptyque de grande qualité. Il ne faudrait pas néanmoins qu'ils se reposent sur des compétences évidentes mais désormais trop explorées.